24 octobre 2017
23 octobre 2017
Sur les français régionaux
Un site à consulter :
http://www.francetvinfo.fr/france/langues-regionale/en-images-serpilliere-ou-torchon-crayon-a-papier-ou-crayon-gris-cinq-cartes-du-francais-de-nos-regions_2432081.html?google_editors_picks=true
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10 octobre 2017
La « nouvelle » politique de l'Office québécois de la langue française sur les emprunts à une langue étrangère.
La nouvelle politique de
l'Office québécois de la langue française sur les emprunts à une langue
étrangère suscite beaucoup de réactions négatives. Pourtant, par rapport aux
précédentes politiques (1980 et 2007), on observe peu de changements, à
l'exception d'un seul, l'acceptation de certains anglicismes. Ma critique des
fondements de cette politique dans Main basse sur la langue (Liber,
Montréal, 2010) est toujours valable. Aucun progrès ni dans la théorie ni dans
l'application n'est perceptible dans le nouveau document. On se demande si l'OQLF
a fait un quelconque effort de recherche, de réflexion et d'analyse dans ce
domaine depuis ces années.
Le document comporte même encore
des erreurs d'interprétation, par exemple quand il présente annonces
classées comme un anglicisme. Comment pourrait-on nommer autrement des
annonces classées par ordre alphabétique ou par rubriques ? En réalité,
c'est annonces classifiées qui est un anglicisme, mais ce terme
autrefois courant ne se rencontre pratiquement plus de nos jours.
« Le Courrier de Laval n'a pas
tardé à offrir des petites annonces classifiées, comme on les appelait à une
certaine époque, à ses fidèles lecteurs. », Courrier Laval, 20
mai 2015.
On note toujours à la base une
confusion entre deux phénomènes distincts : les progrès de l'usage de l'anglais
(ici et ailleurs), vus comme une menace, et les emprunts à cette langue, jugés
comme le symptôme de cette menace. Lutter contre les symptômes serait combattre
la maladie. Éradiquer les anglicismes du français permettrait d'enrayer les
progrès de l'usage de l'anglais. Or, c'est faux. L'anglais, justement, en est
la preuve. C'est une langue germanique qui, par un accident de l'histoire, a
emprunté 40 % de son vocabulaire à une langue romane, le français,
directement ou par l'intermédiaire du latin. Cela ne l'a pas empêché de se
développer au point de devenir la première langue mondiale. Le français est
encore loin d'avoir 40 % de son vocabulaire d'origine anglaise. Bannir les
anglicismes de la langue ne renforcera pas le français, ni surtout ne diminuera
en rien la force de l'anglais.
En réalité, le nouveau document,
comme les précédents, essaie de masquer une position non scientifique, mais
purement idéologique, sous un habillage scientifique et technique. En fait
pseudo-scientifique et pseudo-technique.
Cette posture se double d'une
autre : les terminologues de l'OQLF se présentent comme des gens modérés,
évitant les positions extrêmes que représentent les puristes, pour qui
tout emprunt à l'anglais est à bannir, et les laxistes, pour qui le recours
systématique à l'emprunt ne pose aucun problème.
L'absence de fondements
scientifiques vérifiables se cache derrière l'emploi de multiples critères
d'acceptation ou de rejet des emprunts aussi hétéroclites que peu crédibles.
L'acceptabilité d'un mot anglais se déduirait rationnellement à l'issue d'un
long parcours algorithmique à travers le filtre de ces critères. Leur nombre,
leur hétérogénéité et le flou de leur définition font qu'on aboutit à toutes
sortes de décisions contradictoires. Tel mot est accepté, tel autre ne l'est
pas, mais on a souvent l'impression que le contraire serait tout aussi possible
à la lumière des mêmes critères… Ce système à géométrie variable permet de
sortir opportunément le critère qui permettra d'accepter le mot qui plaît et de
rejeter celui qui déplaît… En réalité, pratiquement tous les emprunts de mots
anglais seront rejetés, car trop visibles, les emprunts masqués que sont les
calques ou les anglicismes de sens ayant plus grâce aux yeux de nos
terminologues.
Un de ces critères curieux est
la notion d'intégrabilité au système du français. Il est étonnant qu'on
puisse affirmer que des mots qui s'emploient tous les jours, qu'on trouve dans
tous nos médias, comme selfie, ne peuvent pas s'intégrer au système
français… Qui plus est, le document nous apprend qu'on peut toutefois, dans
certains cas, accepter des mots « non intégrables au système
français » (sic). Allez donc comprendre la logique du
raisonnement ! Et l'utilité de ces critères…
Autre critère arbitraire malgré
sa dénomination impressionnante : la « légitimité sociolinguistique au
Québec ». Le document ne dit pas qui détermine cette légitimité ni
comment. Est-ce qu'on procède par sondages auprès de la population pour savoir
si tel mot est légitime ou non ? Est-ce qu'on vérifie dans les médias s'il
est fréquent ou pas ? Est-ce que tous les Québécois sont d'accord sur le statut
à accorder à tel ou tel mot ? Est-ce qu'il n'y a qu'une seule manière de
parler au Québec ? J'ai développé ces questions sur la base de recherches
empiriques dans Le français québécois entre réalité et idéologie
(Presses de l'Université Laval, Québec, 2017). La réponse est évidemment qu'il
n'y a pas ici une seule légitimité sociolinguistique, mais au moins deux.
Pourquoi l'OQLF favorise-t-il l'une au détriment de l'autre ?
Une autre caractéristique
marquante de ce document, dans la continuité des deux précédents, est le fond
de séparatisme linguistique qui l'imprègne. Certes, il est dit, comme par
prudence, que la politique de l'OQLF fait en sorte qu'on ne se dissocie pas des
autres pays francophones, en particulier de la France, mais en réalité le
fameux critère de légitimité sociolinguistique au Québec sert à créer tout
doucement, mais assez sournoisement, une langue à part qui nous éloignerait de
celle de la majorité des autres francophones. Je dis bien qui nous éloignerait,
car en réalité ce qui caractérise le plus le marché linguistique québécois
depuis la création de l'OQLF en 1961, c'est son rapprochement extraordinaire
avec le marché linguistique francophone
international.
On en vient à penser que ce
sentiment de légitimité est celui que les terminologues de l'OQLF eux-mêmes
veulent bien accorder ou non. En effet, pourquoi fin de semaine serait
plus légitime que week-end alors que les deux mots sont employés ici
pratiquement dans les mêmes proportions ? Pourquoi égoportrait –
mot lourd et mal formé - devrait-il être favorisé aux dépens de selfie
alors que ce dernier est d'emploi plus fréquent dans nos médias ? Idem pour démoniser
– calque de l'anglais - alors que diaboliser, utilisé partout dans la
Francophonie, lui aussi est plus fréquent ?
Les avis discordants parus dans les
médias de spécialistes comme Jean-Claude Corbeil, Marie-Eva De Villers, Monique
Cormier, Nadine Vincent et Jacques Maurais montrent bien qu'il n'y a pas consensus sur cette
politique et que les choix de l'OQLF n'ont pas la légitimité que ce dernier
prétend leur reconnaître. À l'ère d'Internet, alors que l'information et les
mots qui la véhiculent voyagent à la vitesse de la lumière, on peut
légitimement se demander s'il est encore justifié d'« orienter l'usage
linguistique » des Québécois. Surtout sur la base de critères purement
idéologiques. Ils sont certainement capables de choisir tout seuls les mots qui
leur conviennent.
Mots-clés : Office québécois de
la langue française, OQLF, politique linguistique, anglicismes, légitimité
sociolinguistique, critères.
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