30 octobre 2023

Doit-on dire « vraie mayonnaise » ou « mayonnaise véritable ?

La traduction est souvent une question de subtiles nuances. Sur les emballages et les étiquettes bilingues de nombreux produits alimentaires, on observe souvent, dans la version française, un calque sémantique de l’anglais.

Ainsi, le terme anglais real est souvent traduit par vrai. C’est le cas pour la mayonnaise de la marque Hellmann’s. Sur l’étiquette, on lit real mayonnaise / vraie mayonnaise. C’est aussi le cas de biscuits de la marque Leclerc. Sur la boîte, on lit made with real maple syrup. Le traducteur a bien senti que fait avec du vrai sirop d’érable était peu idiomatique, voire ambigu. Il s’est tiré d’affaire en traduisant par fait avec du sirop d’érable, du vrai. Pas mal. Belle pirouette.

Mais ce faisant, il ignorait l’existence de l’équivalent exact de l’anglais real dans ce contexte : il s’agit de l’adjectif véritable. En effet, real signifie genuine, not artificial, counterfeit, or fake: real leather (Wiktionary) et véritable, dont l'origine et la nature sont bien établies : poivre véritable (Trésor de la langue française). 

La bonne traduction de real mayonnaise est donc mayonnaise véritable, de real maple syrup, sirop d’érable véritable et de real leather, cuir véritable (on le voit sur les paires de chaussures).

Mots-clés : français québécois, traduction, anglais-français, calque de sens, real, vrai, véritable.

 

Emmanuel Macron a-t-il vraiment dit "qu'il n'y avait pas de culture française"?

Cher Mathieu Bock-Côté,

J’écoute avec beaucoup d’intérêt vos analyses politiques sur CNews. Même si, souvent, je ne suis pas d’accord avec certaines d’entre elles, j’admire votre connaissance de l’histoire et de la politique de la France et le brio avec lequel vous défendez vos idées. (Mais vous devriez ralentir votre débit !)

Vous pourfendez, à juste titre, la malhonnêteté intellectuelle, la falsification des faits et la diabolisation de l’adversaire. Cependant un point me « chicote », c’est lorsque vous dites que, selon Emmanuel Macron, « il n’y a pas de culture française ». Si vous allez à la source, c’est-à-dire au discours du président de la République, qu’on peut écouter sur Youtube, on voit bien qu’il n’a jamais dit cela. En réalité, il a dit « il n’y a pas une culture française », en développant le fait indiscutable que la culture française a toujours été ouverte, accueillante, et s’est nourrie à toutes sortes de sources, y compris étrangères, que ce soit en littérature, en peinture, en musique, etc. Il cite l’exemple de Picasso. Participe-t-il de la culture française ? Sans aucun doute. Mais ne participe-t-il pas en même temps de la culture espagnole ? Et Chagall, ne participe-t-il pas et de la culture française et de la culture juive ?

J’ajouterais que chacun a sa culture française. Un catholique traditionaliste n’a pas la même culture française qu’un communiste athée. Il en est de même pour la langue. La langue française d’un jeune de banlieue n’est pas la même que celle d’un prof de littérature en fac. Ils ont à la fois des choses en commun et d’autres qui leur sont propres. C’est une vérité d’évidence. Il est dommage que certains essaient de détourner ces propos à des fins bassement partisanes.

Bien malin celui qui serait capable de définir ce qu’il entend par la culture française, une culture française unique, avec ses limites de commencement et de fin, ses frontières, et un inventaire de toutes ses composantes... Il n'y a pas une culture française, mais des cultures françaises.

Vous serez certainement sensibles à ce que je vous dis, vous qui prônez sans cesse le débat plutôt que la caricature et l’anathème.

Bien cordiales salutations,

LM

PS1 Courriel envoyé le 21/02/2022.

PS2 L'académicien français Jean-Marie Rouart en rajoute une couche lorsqu'il affirme : « oublions ses déclarations oiseuses [il parle d'Emmanuel Macron] dans lesquelles il niait l’existence d’une culture française » (Le Figaro, 29/10/2023).

Ce qu'a vraiment dit Emmanuel Macron :

https://www.youtube.com/watch?v=xncCLi6EabU 

Mots-clés : Emmanuel Macron, culture française, fausse accusation, Mathieu Bock-Côté, Jean-Marie Rouart.

24 octobre 2023

Comment se prononce le nom de la ville ukrainienne de Zaporijia?

Le nom de la ville ukrainienne de Zaporijjia est souvent mal prononcé. On entend le second [j] de l'orthographe française prononcé [dj] à l'anglaise. Or, ce [j] se prononce [ʒ] comme dans je [ʒə] ou dans neige [nɛʒ]. 

En ukrainien, le mot s'écrit Запорiжжя, avec 2 ж ; en orthographe française, Zaporijjia, avec 2 j ; en orthographe anglaise, Zaporizhzhia, avec 2 zh.

La graphie zh de l'anglais montre bien que, même dans cette langue, on ne dit pas [dj]. Il s'agit donc d'une généralisation abusive, d'un faux anglicisme de prononciation. En alphabet phonétique, pour le français, le mot se transcrit [zapɔʁiʒʒja]. Pour entendre la prononciation en ukrainien, consultez https://en.wikipedia.org/wiki/Zaporizhzhia.

Mots-clés : prononciation, faux anglicisme de prononciation, ukrainien Запорiжжя, français Zaporijjia, anglais Zaporizhzhia.

Vente de garage, vente de trottoir

Le francophone non québécois se demande pourquoi il y a tant de garages à vendre au Québec. Il est encore plus étonné quand il voit qu'il y a aussi des ventes de trottoirs... Si on peut comprendre qu'un garage soit à vendre, c'est plus difficile pour un trottoir. Qu'est-ce qu'on peut bien en faire ? Est-ce qu’on peut l’emporter ? Bien évidemment, dans les deux cas, il s'agit de calques de l'anglais garage sale et sidewalk sale.

Le français standard a une série (ouverte) formée à partir du verbe vider : vide-grenier, vide-appartement, vide-maison et même vide-dressing. Le terme vide-garage serait plus idiomatique que l’anglicisme vente de garage. Quant à vente de trottoir, il existe un équivalent français. Il s’agit du mot déballage.

« Des commerçants signalent ainsi à la mairie, au travers d'une pétition, que les tramways gêneront considérablement le déballage des marchandises sur les trottoirs. » (Ouest-France, 02/01/2003).

« Aujourd'hui, le monde de la brocante pleure cette femme généreuse et attachante, connue du monde entier avec ses déballages qui attiraient des milliers de professionnels. » (Ouest-France, 14/08/2021).

Mots-clés : anglicisme, calque, français québécois, français standard, vente de garage, vide-garage, vente de trottoir, déballage.

20 octobre 2023

Comment se prononce le nom de Robert Fico?

Le nouveau premier ministre slovaque s'appelle Robert Fico. Son nom se prononce fi-tso. En slovaque comme en tchèque, la lettre c se prononce ts ; la lettre č (avec un signe diacritique) se prononce tch.

Mots-clés : prononciation, lettre c en tchèque et en slovaque, lettre č en tchèque et en slovaque ; premier ministre Robert Fico.


15 octobre 2023

Russe, un terme ambigu...

 Lu dans une dépêche de l’Agence France-Presse (18/12/2020) cet extrait : « Samuel Paty, un professeur d’histoire-géographie assassiné le 16 octobre par un Russe tchétchène de 18 ans qui lui reprochait d’avoir montré en classe des caricatures du prophète Mahomet. » Pour un francophone et, en particulier pour un Français, cette combinaison « Russe tchétchène », réunissant deux ethnonymes, semble étrange. Cela tient au fait que, dans notre langue, le terme « russe » est ambigu, cumulant deux significations, ce qui n’est pas le cas… en russe.

Malheureusement, les mêmes événements tragiques se répètent, les mêmes attentats islamistes au cri d’« Allah Akbar ». Le 13 octobre 2023, Dominique Bernard, professeur au lycée d’Arras, était lâchement assassiné par un jeune homme d’origine ingouche (et non tchétchène comme l’indiquent par erreur plusieurs médias).

La Fédération de Russie est un État multi-ethnique. Si les Russes y sont les plus nombreux, représentant 80% de la population, il existe sur son territoire pas moins de 200 autres « nationalités », dont les Tchétchènes et les Ingouches, deux petits peuples musulmans du Nord-Caucase.

A la chute de l’Union soviétique, l’État successeur fut appelé Российская Федерация, soit Fédération de Russie, et non Русская Федерация, soit Fédération russe. Cette dernière désignation aurait été vue par les 20% de non-Russes comme une forme d’impérialisme. C’est pourquoi, en langue russe, on distingue русский (russe, au sens ethnique), du mot Русь (nom ancien de la Russie), et российский (de Russie, au sens politique), du mot Россия (nom plus récent de la Russie).

Contrairement à la France, autrefois en Russie soviétique et, dans une moindre mesure, de nos jours dans la Fédération de Russie, on distinguait la citoyenneté (гражданство) de la nationalité (национальность). Par « nationalité », il faut entendre l’appartenance à un groupe ethnique partageant une même langue, une même culture, une même religion (pas toujours), un même territoire (pas toujours non plus), n’ayant pas forcément une organisation étatique, encore moins un État souverain. En France, dans la langue courante, on fait rarement la différence entre citoyenneté et nationalité, les deux étant généralement confondus.

Les Russes ethniques (105 579 179 en 2021) constituent la nationalité la plus nombreuse de la Fédération de Russie. Les Tchétchènes (1 674 854 en 2023), une des nationalités les moins nombreuses, occupant la 6e position après les Tartares, les Ukrainiens, les Bachkirs et les Tchouvaches. Les Ingouches, en 22e position, sont encore moins nombreux (517 186 en 2023). Du temps de l’URSS, la nationalité (Russe, Ukrainien, Biélorusse, Kazakh, Juif, Tchétchène, Ingouche, etc.) apparaissait obligatoirement à côté de la citoyenneté (soviétique) sur le passeport. Ce n’est plus le cas de nos jours.

En français, il est difficile d’exprimer cette distinction, pourtant très importante, faute de termes adéquats. Dans le cas de l’assassin de Samuel Paty, il s’agissait d’un Tchétchène citoyen de la Fédération de Russie ou d'un citoyen russe d’origine tchétchtène. Dans celui de l’assassin de Dominique Bernard, d’un Ingouche citoyen de la Fédération de Russie ou d’un citoyen russe d’origine ingouche.

Mots-clés : ambiguïté ; traduction russe-français ; citoyenneté ; nationalité ; ethnonyme ; russe ; Russie ; Fédération de Russie ; Tchétchène ; Tchétchénie ; Ingouche ; Ingouchie ; attentat islamiste ; peuple du Caucase.

09 octobre 2023

Souvenirs incomplets..

De 1971 à 1995, il y avait à Québec un club de hockey sur glace célèbre, les Nordiques de Québec. En 1979, les Nordiques de Québec sont entrés dans la Ligue nationale de hockey (en anglais National Hockey League ou NHL). En 1972 eut lieu pour la première fois au Canada une série de matches restée célèbre (appelée la Série du siècle) entre l’équipe nationale du Canada et celle de l’URSS. C’est alors que les Canadiens ont fait vraiment connaissance avec le hockey et les joueurs soviétiques.

Certains de ces joueurs voulaient jouer en Amérique, mais le système de l’époque leur interdisait de le faire. En 1989, j’ai rencontré furtivement Igor Larionov (Игорь Николаевич Ларионов) dans son hôtel, le Château Bonne Entente à Québec. Je lui ai fourni à sa demande des journaux en langue anglaise. Il était l’un des rares, sinon le seul joueur russe à parler cette langue. Finalement il réussira à jouer pour les Canucks de Vancouver.

À partir de ces années-là, les premiers joueurs russes ont commencé à pouvoir signer des contrats en Amérique du Nord. L’arrivée de chacun d’entre eux était un véritable événement. À l’époque très peu de gens parlaient russe à Québec (ce n’est plus le cas aujourd’hui, car il y a désormais beaucoup de Russes et d’Ukrainiens). J’ai été chargé par les Nordiques de Québec de servir d’interprète pour Alexeï Goussarov (Алексей Васильевич Гусаров) en 1990, Valeri Kamenski (Валерий Викторович Каменский) en 1991 et Andreï Kovalenko (Андрей Николаевич Коваленко) en 1992. Hélène Paléologue aussi a été sollicitée comme interprète. Malheureusement je ne me souviens pas précisément dans quelles circonstances.

Mots-clés: Ligue nationale de hockey; joueurs soviétiques, joueurs russes; Nordiques de Québec; Alexeï Goussarov (Алексей Васильевич Гусаров; Valeri Kamenski (Валерий Викторович Каменский); Andreï Kovalenko (Андрей Николаевич Коваленко); Igor Larionov (Игорь Николаевич Ларионов); interprète; Lionel Meney; Hélène Paléologue.